Les loas et les rêves

Pour ne rien vous cacher, toute cette aventure d’écriture est assez intense. C’est un engagement qui vient chercher les moindres recoins en moi. Une exploration qui mobilise beaucoup d’énergie. Une création qui se manifeste et se reflète très vite dans mon environnement direct.

Lorsque j’ai évoqué Eshu le farceur cosmique, les objets ont dansé toute la journée dans la maison. Une guirlande de cloche arrimée à un solide crochet qui n’a jamais bougé, tombe sans raison dans un grand tintinnabulement. Les tabourets, pots et autres objets glissent des mains et se dérobent sous les pieds. Aucune casse je vous rassure !

Le jour où j’ai parlé d’Ogun et du sacrifice, je regardais un film avec ma compagne. Un des principaux protagonistes du film sort une citation d’un air des plus solennel et dit : « Laisse-moi te donner le meilleur conseil que j’ai eu à Harvard. Pour réussir dans la vie, il faut faire des sacrifices. Et plus le sacrifice est douloureux, plus tu vas aller loin. » Waw, ils enseignent ça à Harvard !

Quand j’ai parlé d’Ochosi, c’était bien sûr le jour des courses où le frigo et les placards se sont transformés en corne d’abondance. Et j’ose aussi mentionner un étrange chasseur à l’arc dans les bois dont on se demandait ce qu’il faisait dans un film sur le père Noël.

Ce ne sont que de gentilles et douces manifestations extérieures. Je ne compte plus les synchronicités de ce genre entre l’énergie sur laquelle je suis branché à l’intérieur et ce qui se passe dans ma réalité de tous les jours.

Cette énergie qui m’anime et que j’ai abordé à travers la question qu’est-ce qu’un Loa est maintenant bouillonnante. Les textes que j’écris tournent et retournent dans mon corps. Un mélange d’analyse, de méditation, d’appréhension, d’inconnu, d’enthousiasme, de doute, de fierté, d’arrogance, de satisfaction, de joie… Bref un joli meli melo qui m’empêche de trouver le sommeil après un temps conséquent, ce qui ne m’arrive jamais.

Et pourtant, ce serait bien que je dorme puisque mon sujet du jour est celui des rêves !

Pour que vous puissiez me lire, ce qui m’anime doit revêtir la forme de mots et de phrases. Un masque que j’espère le plus fidèle et représentatif de l’intuition qui me traverse. C’est la communication dans le monde des formes et des apparences. Pour communiquer au-delà des formes, il nous faudrait nous rencontrer par l’intuition directe, par les rêves, dans le pur royaume des Loas !

Mon sujet est là. D’une complexité infinie. Dans cette ébullition d’émotion et d’énergie qui m‘empêche de dormir. Je me dis que je suis fichu. Ce texte va avoir raison de moi. La perspective d’écrire un récit juste, cohérent et inspirant entre ce sujet et mon état me parait loin. J’attends le sommeil. J’attends le rêve extraordinaire que je vais pouvoir raconter pour épater la galerie et illustrer mon propos. Je sais qu’il y a de grandes chances que je sois déçu. Je ne suis pas du tout dans un état d’esprit propice à ce genre d’expérience.

Le sommeil finit par arriver. Le rêve se manifeste. Une ambiance lourde. Des combats. Je suis au sommet d’un immeuble, avec un fusil de sniper, à vouloir tirer sur des soldats au loin. Je rêve aussi d’un ami ancien militaire… Autant d’éléments qui ne laissent aucun doute quant à la présence d’Ogun.

Ce qu’il y a de merveilleux avec les rêves, c’est qu’on ne peut pas tricher. Enfin, on peut raconter n’importe quoi aux autres, mais on ne peut pas se raconter n’importe quoi à soi-même.

S’il était une seule pratique à retenir de l’enseignement de Walé ce serait celle-ci. Speak the truth. Always. Je le dis en anglais car c’est ainsi que s’exprime Walé. Et ça me permet de le répéter en français, comme Walé aime répéter les choses. Dis la Vérité. Toujours.

La nature ne triche pas. La nature est incapable de mentir. C’est pourquoi les rêves sont si précieux. Ils nous offrent cet espace qui pointe sans filtre sur ce que nous anime. Lorsque le corps s’endort, les formes et les apparences s’estompent. Le mental et l’intellect se couchent. Les Loas se réveillent. J’étais dans un champ de bataille émotionnel et énergétique. Je me suis retrouvé en rêve sur le champ de bataille d’Ogun.

Pour se rencontrer au-delà du monde des formes, dans le royaume non-duel des loas, il faut être prêt à se rencontrer dans notre nudité spatiale. Tel que nous sommes. Sans masque. Illimités. Mon enseignant Daniel appelle cette pratique de la non dualité le yoga cachemirien. Qu’il aime à transmettre ainsi, le yoga cache-moi-rien.

Quitter la forme est comme une vague qui retourne d’où elle vient dans l’océan. L’océan est en contact avec toutes les vagues. Chaque vague a la même nature que l’océan, de l’eau de mer. Aucune vague aussi grande soit-elle n’est comparable à la taille de l’océan. Quand on s’identifie à la vague, à la forme, on se rencontre dans le monde de la forme avec d’autre vagues. Quand on va au-delà la forme, comme dans le sommeil, on se rencontre dans le monde de l’océan et des loas. Cet océan même qui anime toutes les vagues.

Et vous de quoi avez-vous rêvé ?

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