SHANGO

Je flotte sans rien avoir pour me raccrocher. La rencontre d’Oshun m’a éjecté du mental et projeté dans un flux que je ne perçois pas. Je suis incapable de penser ou de concevoir des idées. Je suis dans un entre deux. J’ai quitté quelque chose sans savoir où je me trouve maintenant.

J’avance à l’aveugle. A tâtons. Je ne sais quel caillou ou quelle crevasse pourrait se cacher sur un chemin qui n’existe pas. Ce n’est ni vide, ni plein. Ni passé, ni avenir, ni présent. Aucun pourquoi, ni comment, ni qui, ni quand, ni où. La moindre volute de perception provoque un tsunami intérieur d’inconnu.

Je m’en suis remis aux forces des Loas de mon plein gré. J’ai abandonné mes attentes. J’ai abandonné ma volonté. J’ai abandonné ma petite personnalité pour m’en remettre à des énergies qui me dépassent de plusieurs dimensions. J’ai abandonné mon instrument au service de vibrations sans formes. Je ne suis plus aux commandes de mon véhicule auquel j’ai cessé d’imposer mes limites et mes restrictions.

Ma confiance est vacillante. Perdu dans l’océan sur un radeau de fortune sans aucun rivage à l’horizon. J’ai le vertige. Je me suis projeté si haut dans les airs pour me rendre compte que je n’ai jamais eu d’ailes. Mon haut le cœur se prolonge dans un écho sans fin.

Je me calme. Je me tranquillise. Je suis toujours là. Aucun geste brusque. Pas de bruit qui pourrait réveiller la colère de ce silence assourdissant.

J’ai besoin du sujet du jour.

Je l’aperçois. Une étincelle. Je m’empresse de porter mon attention dessus pour affiner ma perception comme me l’a appris Ochosi.

Beaucoup trop brusque. J’ai réveillé le silence. Je suis traversé de part et d’autre par un éclair d’une autorité inconditionnelle.

L’impact fait naitre dans mon cœur une petite flamme.  Un élan. Un désir. Je comprends la présence de Shango.

Cette lumière naissante a dissipé tout le chaos. Mais elle est encore bien fragile. Elle a besoin de soutien. Dans la tempête des émotions et des énergies, le moindre souffle peut l’éteindre. Ou l’embraser.

Cette petite flamme a faim. Je choisis de la nourrir. Toutes les ressources sont là. Cette flamme est par nature éclairante, à même de montrer tout ce dont elle a besoin. J’ai tout à ma disposition dans le chaos qui m’entoure.

Ma présente ne doit souffrir aucune distraction pour préserver cette délicatesse. A l’écoute du moindre crépitement, je fais appel à toute ma mesure, à tout mon discernement pour accompagner l’éveil de de cet ogre d’amour.

Bientôt, c’est un feu de braise et de flamme autosuffisant. L’effort peut se relâcher pour faire place à la contemplation. Un petit souffle de présence et de respiration. Une petite buche de dévouement. Le désir initial s’est transformé en incendie de passion créatrice.

Ce brasier incandescent réchauffe mes entrailles les plus profondes. Il consume et transmute tout ce qu’il me vient de lui apporter. Mes sensations, mes émotions, mes pensées, mes rêves, mes relations, mes blessures, mes frustrations, mes satisfactions, tout mon être.

Cette flamme de vie est à même d’animer toutes les formes. J’aime à l’incarner dans l’écriture, dans la danse, dans la musique, dans la cuisine, dans le voyage, dans la science, dans l’art.

Cette flamme est aussi contagieuse. Sa chaleur réchauffe celles et ceux qui s’en approchent. Et parfois elle se transmet, embrasant un cœur inflammable qui s’est approchée un peu trop près.

J’ai envie de faire vivre cette flamme. De laisser émerger de ce chaos conscient la lumière de l’existence. De l’alimenter. De souffler dessus. De l’embraser. Elle est ma félicité créative qui m’illumine à chaque instant.

Une grande question que me pose Shango est donc, quelle est cette étincelle et cette flamme qui demande mon attention pour s’éveiller ?