QU’EST-CE QUE L’ANIMISME ?

Lorsqu’un jour j’ai évoqué à mon enseignant que j’avais écrit un livre, sa réponse m’a donné un champ d’investigation sur lequel je pourrais méditer toute ma vie. Il m’a dit ceci, le plus important quand on écrit, c’est de le faire avec l’intuition et non avec l’intellect.
 
C’est l’état qui me traverse quand j’écris ce texte. Mon élan m’a conduit à parler de sujets culturels, mystiques, métaphysiques. Le mental et l’intellect adorent se saisir de ces sujets. Les questions me submergent. Est-ce que je suis toujours spontané et intuitif quand j’écris ? Ou est-ce que je suis devenu scolaire et donc d’un ennui mortel ? Mon intellect s’est-il accaparé mon élan créatif animal pour l’emmener dans le labyrinthe de la dualité et de la discrimination ?
 
Grâce à mes précédentes explorations, j’ai maintenant compris que les questions qui me traversent et l’état dans lequel je me trouve sont en lien direct avec le sujet que je souhaite aborder. Mon sujet est là. J’ai écrit des idées clés dans mon carnet hier soir. Je reconnais la présence qui souhaite s’exprimer. Comment faire le lien entre cette présence et la question de l’intuition ou de l’intellect ?
 
Ces questions semblent très d’actualité puisqu’on parle beaucoup d’intellect artificiel. Par contre on ne parle pas du tout d’intuition artificielle. J’ai une piste assez facile sur ce que je ferai bien d’éviter pour continuer mes créations.
 
Mon sujet du jour est qu’est-ce qu’un Loa ? Vous imaginez qu’il serait très facile de devenir aussi pompeux qu’un prof d’université sur ce sujet. (Mes parents sont profs, j’adore les professeurs !). Ou de demander à ChatJ’aiPété de me pondre un torchon nauséabond sur ce qu’il ne sera jamais capable d’appréhender. (Je suis informaticien, j’adore la technologie !).
 
J’ai évoqué plusieurs Loa précédemment et parlé de Qui sont ces grandes forces de la nature. Je vais maintenant me pencher sur Quoi. Qu’est-ce que sont ces grandes forces. C’est une des grandes questions qu’aime me poser Walé, mon père spirituel. Non pas Qui suis-je, mais Qu’est-ce que je suis ?
 
Je ne m’attendais pas quand je me suis lancé dans ce travail d’écriture à explorer toutes ces dimensions de l’animisme. Je me disais que j’allais parler de la pluie et du beau temps, de ce que j’ai mangé le midi, de ma promenade dans la forêt en tentant de rendre tout cela attrayant et esthétique. A la manière d’un maitre zen, j’imaginais décrire en trois lignes les plus plates banalités et provoquer par magie ou par génie des éclairs de félicité extatique. J’en suis loin.
 
Pour communiquer, pour pouvoir se comprendre et discuter, il est important d’avoir des bases communes, un langage commun ou un système de traduction efficace. Et il y a de grandes chances pour que votre système de référence, votre langage, vos expériences soient très éloignées des miennes. J’aurai pu vous parler de pleins de choses dans le langage de mon expérience. Vous auriez saisi cela en surface, percevant les mots, ne comprenant pas le sens. Le sens derrière les mots, derrière les formes, on se rapproche de ce qu’est un Loa.
 
Lorsque j’ai rencontré Walé dans la pampa de la jungle jamaïcaine, nous avons dû passer du temps pour nous accorder. Etablir des fondations sur lesquelles nous appuyer pour pouvoir composer ensemble. Et quand nous avions des difficultés sur le sens d’un mot, Walé sortait son dictionnaire. Un artefact mythique. Je ne sais pas de quelle année datait cette relique. Il n’avait plus de couverture et les pages écornées semblaient tenir ensemble par une magie invisible.
 
Un jour Walé me montrait une illustration du dictionnaire. Le dessin d’un homme travaillant avec une machine d’un autre âge qui semblait sortir d’un film de Miyasaki. Il me demandait, est-ce que tu sais ce que c’est ? Après un instant de réflexion, je luis dis que je n’en ai aucune idée. J’attends avec impatience qu’il me donne la clé de ce mystère. Et il me répond avec lenteur, moi non plus… Et nous avons éclaté de rire ensemble ! Nous étions émerveillé de pouvoir encore contempler une trace infime de ce qui allait sombrer de façon inévitable dans les oubliettes. Nous revenions donc souvent sur ce dictionnaire pour être sûr de nous comprendre et de parler de la même chose.
 
Dans le mot animisme il y a la même racine que dans animer. Ce qui anime les choses, les formes, les apparences. Voici comment on pourrait décrire un Loa. Une force, une énergie de la nature qui anime les formes dans tous les règnes, qui donne vie aux corps et aux phénomènes.
 
Les formes et les corps sont limités par le temps et par l’espace. Les loas ne le sont pas. L’intellect est du domaine de la forme et de l’apparence. L’intuition est du domaine des Loas. L’intellect compose avec les mots, la grammaire, l’orthographe. L’intuition anime les phrases et leur donne vie.
 
Les loas ont-ils un genre ? sont-ils masculins ou féminins ? J’ai jusqu’à présent évoqué les trois guerriers sous des traits plutôt masculins. Ces trois guerriers ont une tendance à animer des formes masculines. Mais il peut très bien exister une Ogun femme. D’autres Loas ont beaucoup plus tendance à revêtir des apparences féminines. Sans jamais d’exclusivité. D’autres changent constamment de genre. Le genre est du domaine de la forme et de l’apparence. Pas des Loas.
 
Mon enseignant Daniel raconte souvent l’histoire de la rencontre avec son maitre tibétain qui lui demanda, est-ce que tu veux que je sois ton maitre ou ta mère ? Daniel est tombé dans ses bras en pleurant maman… Le maitre est un Loa. La mère divine également. Le Loa de la mère divine peut tout à fait animer la forme d’un vieillard ermite des montagnes !
 
Les formes naissent et meurent. Les Loas demeurent. J’ai perdu mon père lorsque j’étais jeune adulte. J’aime mon père et il m’a transmis tant de chose. Bien sur la séparation est douloureuse. J’ai perdu mon père mais je n’ai pas perdu ce qui l’anime. Les saisons passent, les feuilles tombent. L’arbre demeure et grandit, plus fort encore. Quand on s’accroche à la feuille qui est tombée, la souffrance est énorme. Quand on perçoit l’arbre, la séparation n’existe pas.
 
Je vous ai parlé de mon père spirituel Walé. Je l’ai rencontré après la mort de mon père. Il lui ressemble beaucoup. Pour vous dire, il a le même camion blanc Toyota que possédait mon père et avec lequel j’ai voyagé toute mon enfance. Et quand nous partions avec Walé à la rencontre de la société, tout le monde, des dizaines de personnes nous ont demandé si j’étais son fils. Vous comprenez peut-être mieux maintenant pourquoi je l’appelle mon père spirituel.
 
Rencontrer la forme, n’est pas rencontrer ce qui l’anime. Certains ont des enfants physiques mais n’ont jamais rencontré l’enfant. D’autres n’en ont pas, et pourtant en élèvent un grand nombre. Il ne tient qu’à nous de percevoir et interagir au-delà des masques.
 
Voici ce qui m’est venu pour échanger avec vous sur ce qu’est l’animisme et les loas. Aller au-delà des apparences pour toucher à l’essentiel. C’est en tout cas au cœur de ma démarche pour laisser s’exprimer mon intuition sans masque et sans filtre. Enfin, avec un masque qui reflète au mieux son essence, car sinon, vous ne pourriez pas me lire !
 
Alors la grande question de l’animisme est. Qu’est-ce qui vous anime en ce moment ?