OGUN

Oulala, je n’ai pas envie d’écrire celui-là… Quand le sujet m’est venu, je me suis dis est-ce que je ne pourrais pas trouver autre chose ? Toutes sortes de mécanismes d’évitement et de censure se sont mis en action. Sujet trop sensible, je ne suis pas capable d’en parler, ils vont tous me prendre pour un psychopathe, je vais trouver autre chose à leur dire…

Bien sûr aucun autre thème ou aucune autre histoire n’aurait pu sonner de manière juste. J’aurais mis un masque pour camoufler mon véritable élan intérieur et détourner mon inspiration première. Alors je me suis dis courage, ces mécanismes de défense sont l’expression même de ce que je dois aborder.

Je vais donc vous parler de sacrifices. Y compris humains. Vous imaginez maintenant peut-être mon appréhension. La perspective des sacrifices est une dimension fondamentale dans les traditions animistes. Non je ne parle pas d’anciennes cultures disparues. Je parle d’aujourd’hui, dans notre monde.

J’ai déjà évoqué les Loas. Ces lois de la nature qui sont des énergies intemporelles, à l’œuvre depuis la nuit des temps et encore à l’œuvre ici et maintenant. Le Loa principal qui préside aux sacrifices s’appelle Ogun. C’est un des guerriers majeurs sur lequel il est important de porter de l’attention tant son influence est grande dans l’univers.

L’un des plus importants enseignements que j’ai reçu de mes maitres spirituels est que ces grandes forces de la nature ne sont pas à manipuler ou à contrôler. Comme je l’ai déjà dit, ce ne sont pas des fétiches ou des idoles que l’on plie à notre volonté pour obtenir quelque chose.

Cette approche fétichiste existe bien sûr. Comme la pratique de manipuler et contraindre la respiration pour obtenir certains effets. Aucun doute qu’il va se passer des choses. Mais les résultats aussi intenses soient-ils sont limités. Parfois dangereux. Conditionnés par notre ego névrosé.

Ces forces primordiales sont avant tout des aspects que l’on cherche à conscientiser. A observer comment elles se manifestent dans notre vie, dans notre société, dans notre monde. L’idée est de redonner à ces forces et à ces mouvements leur cours naturel dans toute leur plénitude et leur spontanéité. Et comme la respiration, le sacrifice est un rituel du quotidien, de chaque instant.

Qu’est ce qui est sacrifié pour que mon assiette soit pleine et que je puisse nourrir l’autel de mon corps ? Qu’est-ce qui est sacrifié pour chauffer ma maison l’hiver ? Combien de vie sont sacrifiées chaque jour ? Sur quel autel ? Combien de vie sont sacrifiées chaque jour sur l’autel du nationalisme, du pouvoir, de l’argent ou de la connerie ? Quelles ressources sont sacrifiées chaque instant sur l’autel de la technologie ? de l’art ? de l’amour ? En quoi est-ce que je me sacrifie ? En quoi suis-je sacrifié chaque jour et pour nourrir quel autel ?

Il n’y a aucune notion de morale, de bien ou de mal. Aucun jugement. Juste la notion de prendre conscience.

Le sacrifice est l’idée de transformer une ressource en énergie. Et cette énergie est colossale. Regardez l’énergie engendrée par le sacrifice d’un homme qui a été cloué sur une croix.
Regardez comment Arjuna qui hésite à sacrifier sa propre famille a donné naissance à l’un des plus grands textes de l’humanité, la Baghavad Gita.

Ogun est partout. Tout autour de nous, à chaque instant. Les seigneurs de la guerre, qu’elle soit militaire, économique, religieuse, n’ont pas peur d’utiliser cette énergie. Et nous sommes susceptibles de faire partie de leurs ressources.

Méditer sur ce Loa nous aide à appréhender et à assumer cette force naturelle. A aller au-delà du doute et de la culpabilité. A prendre des décisions sans retour. Parfois simples. Parfois impliquant la vie et la mort. Et par-dessus tout à savoir en quel nom, sur quel autel ce sacrifice est réalisé.

Un jour j’ai reçu la transmission d’un yogin magnifique, de ceux qui se baladent nu dans l’Himalaya par -30°. Avant même d’aborder la technique qu’il nous enseignait, il fallait se mettre dans un certain état d’esprit qui se résume à ceci : Je me consacrerai à ma pratique du yoga même si je dois en mourir. La technique est anecdotique quand un tel état d’esprit est présent.

Ogun est bien sûr présent dans ma démarche d’écriture. Pour entreprendre ce chemin, il m’a fallu un engagement ferme, une décision, du courage, de la discipline, sacrifier du temps et de l’énergie chaque jour, sur l’autel de la création, de l’art, du partage, avec le couteau sacrificiel de la plume et du clavier, pour transformer ma propre ressource en le texte que vous êtes en train de lire.

Les forces des Loas ne sont ni bonnes ni mauvaises. Ogun prend la forme terrible des seigneurs de guerre. Mais ce qui est merveilleux c’est que la traduction même de son nom signifie le médecin. C’est un chirurgien capable d’effectuer les opérations les plus délicates pour guérir des maux les plus graves. Oser investiguer l’énergie du sacrifice n’a pas son pareil pour opérer à des niveaux les plus profonds de la conscience.

Alors si vous osez, je vous invite à poster en commentaire la nature des questions que vous inspire ces quelques méditations sur Ogun !