ESHU

Eh bien, je ne m’attendais pas à aborder si vite un sujet aussi sérieux que le grand farceur cosmique !

Après ma publication d’hier, je n’avais aucune idée de ce dont j’allais vous parler aujourd’hui. Et puis le thème s’est imposé. Comme une présence intense que je ne pouvais éviter. Je n’avais plus qu’à la contempler, l’observer et traduire en langage compréhensible cette énergie impalpable.

J’ai déjà ressenti ce genre de présence. J’ai jusqu’à maintenant le plus souvent gardé cela pour moi avec jalousie, dans ce qu’on appelle l’intimité que j’ai pris soin de protéger et verrouiller. En accueillant cet espace d’écriture, je m’autorise à l’exprimer, le transmettre, le partager.

C’est comme si j’ouvrais une porte pour créer un nouveau passage. Et j’ai l’impression qu’il y a du monde qui se bouscule au portillon pour emprunter cette nouvelle route de campagne à travers monts et vallée de l’expression artistique.

Cette première présence qui tient à s’exprimer est cette porte et cette route elle-même qu’on appelle Eshu dans la tradition vodou.

A l’évocation du mot vodou, il y a beaucoup de chances qu’un grand nombre de petites voix, de projections, de concept, de clichés se présentent à vous. Peut-être des images de fétiches, de poupées, de marabout, de sacrifice, de possession ou autres fantasmes plus ou moins teintés de forte suspicion.

C’est en tout cas pour moi ce que véhiculait ce terme. Pourtant, je n’ai pas voulu m’arrêter à cette perception de surface. Une tradition qui survit à plusieurs millénaires en traversant les persécutions les plus extrêmes doit avoir des choses intéressantes à nous dire. Pour en savoir plus, je n’avais qu’une seule solution. Faire taire ces voix et vivre cette tradition.

Pour cette expérience, une des premières choses à faire est de méditer sur Eshu. Je vais donc vous raconter une anecdote à ce propos. C’est rare que je raconte des anecdotes. C’est rare que je raconte quoi que ce soit d’ailleurs. Ou quand je raconte des choses c’est surtout pour parler du tronc de l’arbre ou des grosses branches. Mais si je veux tenir ce travail d’écriture sur la longueur, je vais devoir m’aventurer dans les méandres des feuilles, innombrables, si fugaces, toutes différentes et plus belles les unes que les autres.

Je construisais donc une représentation d’Eshu avec ma technique préférée. Durant la journée de cette création, je passais l’aspirateur lorsque d’une façon stupide et improbable, j’aspire une pelote de laine… qui vient se loger au milieu du long tuyau flexible en le bouchant.

Je réfléchis donc à comment je vais faire et finis par aller prendre des longues tiges de bois qui me servent à fabriquer les ojos de dios. Une seule ne suffisait pas alors j’en assemble deux avec du scotch. Me voilà d’attaque pour aller sauver la pelote. Pelote bien coincée, tige trop fine, celle-ci se casse dans le flexible. Je recommence, je prends une autre tige, que je rescotche et j’explore de façon plus prudente le sauvetage. Après un temps indécent à jouer au ridicule, j’arrive à ressortir la pelote !

Plus tard dans la journée, nous méditons avec ma compagne sur un important sujet qui traine depuis un moment. Les serviettes dans la salle de bain qui n’ont toujours pas d’endroit pour s’accrocher. C’est ainsi qu’une idée lumineuse nous vient. En dessous de l’escalier, il y a deux encoches de chaque côté. Il suffirait d’y mettre une tige pour que cela fasse l’affaire. Je repense donc à la tige du matin que je n’ai pas jetée, je vais la chercher pour qu’on s’aperçoive qu’elle a la longueur exacte au millimètre près qu’il nous faut pour s’insérer dans les encoches et créer le porte-serviette idéal !

Voici donc Eshu dans toute sa splendeur. Le grand farceur cosmique. Un guerrier féroce qui aime les blagues, et qui n’a pas son pareil pour sortir des impasses, trouver des solutions en ouvrant les portes et en créant des chemins les plus inattendus possibles. Cette histoire de serviette est une petite farce gentille à l’échelle d’une journée et à titre individuel. Je vous invite aussi à imaginer des grande blagues pour des communautés entières et à l’échelle de siècles ou plus !

Eshu est une grande force primordiale majeure de la nature qu’on appelle un Loa. Il faut bien sûr entendre ce mot avec le langage des oiseaux. C’est une loi de l’univers. Créer une représentation d’un Loa n’est pas vouer un culte ou vénérer une idole de matière ou un personnage pour lui supplier toute sortes de faveurs plus ou moins avouable. C’est un support de méditation pour apprendre à observer, à reconnaitre cette force. A entrer en harmonie avec elle. A ne plus lui faire obstacle pour laisser sa magie opérer dans notre vie. Et quand je dis magie, je parle de science et d’art !

Alors une des grandes questions que nous pose ce grand farceur d’Eshu est : « Est-ce que tu as envie de jouer avec moi ? »